1. Le retour au pays L'air vif annonce une belle matinée de mai, et le parfum des cerisiers en fleurs flotte dans la brise comme un doux accueil. Lyubov n'est pas seule pour ce voyage. Sa fille Anya, dix-sept ans, l'accompagne, ainsi que Charlote Ivanovna, la gouvernante allemande d'Anya.De retour au domaine, c'est l'effervescence. Comme si on avait donné un coup de pied dans une ruche, tout le monde s'empresse de se préparer à l'arrivée de la maîtresse de maison, absente depuis longtemps.Léonid Gayev, le frère de Lyubov, est également présent, toujours aussi élégant dans son costume élimé. Il tient compagnie à Varya, l'assommant sans doute avec ses interminables métaphores sur le billard.En arrière-plan, le maladroit Iépikhodov fait de son mieux pour rester discret, ce qui signifie évidemment qu'il se cogne partout comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Douniacha, la servante, voltige, son regard passant de l'arrivée des invités à celle de Iacha, les joues légèrement rosies.Lorsque la calèche de Lyubov s'arrête devant la maison, le comité d'accueil s'avance. C'est comme si un barrage cédait: accolades, baisers et exclamations fusent de toutes parts.À l'intérieur, Lyubov ne peut s'empêcher de flâner dans la chambre d'enfant. Ses doigts effleurent des objets familiers, chacun déclenchant un flot de souvenirs d'enfance. La pièce est une capsule temporelle, à peine changée depuis son départ. Mais Lyubov sent le poids de ces cinq années peser sur ses épaules, plus lourd que tous les bagages qu'elle a ramenés de Paris.Dehors, les domestiques s'affairent comme des fourmis, déballant les malles et préparant les chambres. Gayev, fidèle à lui-même, tente de détendre l'atmosphère avec ses plaisanteries habituelles sur le billard. «La vie est comme une partie de billard, dit-il, on ne sait jamais où la boule va rouler!» Ses mots rebondissent sur les murs, accueillis par des rires polis et des regards affectueux.Alors que les premiers rayons du soleil commencent à étirer le ciel de nuances roses et dorées, le verger de cerisiers apparaît. Les arbres se dressent fièrement, leurs branches chargées de délicates fleurs blanches. C'est un spectacle à couper le souffle pour Lyubov, un rappel poignant de la beauté intemporelle du domaine. Mais le verger n'est pas qu'un simple bosquet.En contemplant cette mer de fleurs blanches, Lyubov sent un mélange de joie et de mélancolie l'envahir. La joie d'être de retour chez elle, de voir le verger à nouveau en fleurs. Mais aussi de la tristesse, car elle sait que les choses ne peuvent rester figées.Les retrouvailles se poursuivent jusque tard dans la matinée, entre histoires partagées et larmes versées. C'est comme si les cinq dernières années se condensaient dans ces quelques heures précieuses, telle une tentative de faire entrer un océan dans une tasse de thé. Mais sous la surface de ces joyeuses retrouvailles, une tension sous-jacente persiste.Alors que le soleil monte dans le ciel, projetant de longues ombres sur la pelouse, Lyubov se retrouve à la lisière du verger. Le doux parfum des cerisiers en fleurs l'enveloppe comme une étreinte réconfortante. Elle ferme les yeux et se laisse envahir par les souvenirs de son enfance.Mais lorsqu'elle rouvre les yeux, la réalité la rattrape. Le domaine, le verger, sa famille, tout est sur le point de changer. Pourtant, en regardant ses proches rire et discuter sur la terrasse, Lyubov ressent une étincelle d'espoir.Inspirant profondément, Lyubov se dirige vers la maison, prête à entamer ce nouveau chapitre de sa vie. Le verger de cerisiers se tient silencieux derrière elle, ses fleurs rappelant la beauté et la fragilité de la vie, le cycle sans fin de la croissance et du changement.Alors que tout le monde savoure la chaleur des retrouvailles, une silhouette familière apparaît à l'horizon. C'est Iermolaï Lopakhin, qui s'avance à grands pas vers la maison. Son arrivée est comme un coup de vent soudain, menaçant de faire voler en éclats le fragile bonheur dans lequel ils baignent tous. Lyubov sent un frisson lui parcourir l'échine.
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